Shining
Samedi 19 Septembre 2015 – Après la grosse soirée death metal qui s’est déroulée la semaine précédente en compagnie de Nile et Suffocation, voici celle consacrée au black metal. Noiser nous a conviés au Metronum où trois groupes vont se produire. Tout d’abord, ce seront les locaux de Plebeian Grandstand qui monteront sur scène, suivis de The Great Old Ones et enfin, la tête d’affiche : Shining.

Les portes s’ouvrent à 20h, la foule arrive progressivement et la salle est encore assez clairsemée lorsque les toulousains de Plebeian Grandstand s’installent. Nous avions déjà eu l’occasion de voir Simon (guitare), Adrien (chant), Olivier (basse) et Ivo (batterie) aux côtés de Weedeater en juin dernier. J’avais trouvé leur black metal, sombre et agressif, quelque peu redondant et avais vite détourné mon attention, bon… leur style musical n’était pas tellement dans le thème ce jour là. Ce soir, je me concentre surtout sur la rythmique n’arrivant pas vraiment à rentrer dans leur univers, le chant méga torturé me met presque mal à l’aise (si c’est l’effet recherché, ce n’est pas ce que je recherche dans la musique). Le pire de tout ? Les lumières et stroboscopes à outrance, autant dire que frôler la crise d’épilepsie en début de soirée j’aimerais mieux m’en passer ! Finalement, les clignotements incessants m’auront totalement fait passer à côté…impossible de me concentrer.

L’opération changement de décor est amorcée, ce qui nous laisse le temps de reprendre nos esprits, le Metronum sera replongé dans le noir un peu avant 21h30. A cette heure-ci, nous allons être embarqués dans un style totalement différent. Fondé il y’a 5 ans, The Great Old Ones va nous faire explorer son monde, un monde qui baigne dans une musique à la fois extrême et atmosphérique inspirée par l’univers fantastique du célèbre écrivain Howard Phillips Lovecraft. Les bordelais ont pondu une excellente galette en 2014, Tekeli-Li, s’inspirant cette fois du roman At The Mountain Of Madness. Le plateau se voit habillé en conséquence et tout en sobriété : le célèbre auteur nous fixe à travers le backdrop sur lequel il est représenté et une sculpture en fer forgé, représentant la créature tentaculaire Cthulhu, trône en bord de scène. L’intro démarre : «  Je n’suis pas fou, je souhaite juste dès aujourd’hui prévenir le monde des horreurs indicibles qu’une nouvelle expédition dans ce désert blanc pourrait libérer… » Dissimulés sous leurs capuches, Benjamin Guerry, Jeff Grimal (guitare et voix), Xavier Godart (guitare), Sébastien Lalanne (basse) et Léo Isnart (batterie) débarquent. La qualité du son qui n’était pas terrible précédemment est maintenant optimale et le jeu de light est vraiment très beau. Il est temps de se laisser porter par les sonorités à la fois puissantes et glaciales du post-black metal de The Great Old Ones. Je me retourne, la salle est maintenant comble, l’audience est calme…captivée. L’atmosphère générale est écrasante, sombre mais ô combien prégnante. Le trio de guitare est exquis, les accords se mêlent et les mélodies se déversent avec fluidité. Le son de basse est bien lourd et les beats de batteries robustes apportent la juste densité, l’ensemble est parfaitement équilibré. Les voix de Benjamin et Jeff, se répondent et se complètent, deux timbres écorchés qui  résonnent et qui vous prennent littéralement aux tripes. J’ai rapidement fermé les yeux pour partir à la découverte de ces Montagnes Hallucinées, j’ai ressenti ce froid déchirant, puis, cette tension, la sensation d’être absorbée dans des profondeurs abyssales… les frissons me parcourent l’échine… Tout est parfaitement exécuté et The Great Old Ones reviendra pour un rappel, chaudement acclamé,  avant de nous quitter définitivement après une bonne heure de show. Merci de nous avoir fait traverser les méandres des ces montagnes, au travers de cette musique où la vénusté entre en fusion avec les ténèbres…

Ultimes changement, le backdrop et les bannières de Shining sont installés. Ce soir, ce sont les suédois et non pas les norvégiens qui vont monter sur scène. Aucun rapport avec l’univers d’un écrivain cette fois-ci, oubliez Stephen King. Le chanteur et auteur-compositeur Niklas Kvarforth Olsson est connu pour être un personnage imprévisible adorant la provocation, et pour aborder des thèmes tels que le suicide et surtout l’autodestruction dans sa musique. Aujourd’hui, le groupe vient défendre son nouvel album IX – Everyone, Everything, Everywhere, Ends. 22h40, le Metronum s’assombrit, l’intro Påtvingade Tvåsamheten retentit et les musiciens apparaissent. La tension est palpable, le public s’attend à tout de la part de Niklas qui se tient là, avec sa cravache et son sourire de psychopathe, et il se met à pousser ses petits cris dès les premières notes de Vilja & Dröm. Un titre qui laisse déjà entrevoir toute la richesse des compositions: le démarrage plein de fiel, tout en force, laisse rapidement place à une douceur empreinte d’une nostalgie criante. Le vocaliste est accompagné des excellents musiciens que sont Peter Huss et Euge Valovirta aux guitares, Christian Larsson à la basse et Rainer Tuomikanto à la batterie. Vient ensuite Framtidsutsiker, ici, Kvarforth nous fait une belle démonstration vocale, alternant entre chant clair et hurlements. De son timbre particulier émane une fragilité qui contraste fortement avec la haine exprimée dans ses cris. C’est à la fois touchant, troublant et impressionnant. Le public est attentif, quelques mouvements de foule et cheveux qui volent, mais dans l’ensemble c’est assez calme (le concert de Nile aurait servi de leçon ?). Après quelques titres du dernier opus, Shining envoie la sauce avec l’énormissime Besvikelsens Dystra Monotoni suivie de Neka Morgondagen. Voici du black metal hargneux, le headbanger fou Rainer nous balance du blast beat râblé qui vous emporte totalement. Peter et Euge se partagent les soli de guitares, les mélodies résonnent, qu’est-ce que c’est bon ! Niklas fait son show, il s’accroupit fixant les gens de son air provocateur, cravache les bras tendus, nous crache son vin et son Jack Daniels (et quelques mollards) en pleine face entre deux « Hail Satan ! ». Tout cela est bien gentillet comparé à ses débordements d’antan, il ne maltraitera que les volontaires et m’enverra même un bisou. Comme quoi… Le vocaliste n’oublie pas de partager tout cela avec ses confrères qui s’éclatent, et plus particulièrement Christian qui joue le jeu à fond. Du grand spectacle ! Eradication of the Condition, Låt oss ta allt från varandra ou For the God Below vont défiler à une vitesse phénoménale. Le “brillant” N.K Olsson, qui ne sait même plus où il en est, nous demande si nous en voulons encore: bien sûr que oui ! Le concert aura duré près de deux heures, les suédois ont assuré ! Shining nous a servi un du vrai bon black metal aux sonorités oldschool (me rappelant Venom). Les zicos sont de véritables techniciens, les morceaux joués irréprochablement prennent clairement toute leur dimension en live. Des compos inspirées par de sombres pensées et véhiculant d’intenses émotions, parfois extrêmement irascibles. Lorsque l’on s’imprègne de cette musique, la violence et la tristesse semblent incroyablement belles…

Merci à Noiser pour cette soirée placée sous le signe du black métal avec des groupes de qualité et où l’émotion fut clairement au rendez-vous. Je ressors d’ici…chamboulée.

Auteur: Fanny Dudognon

Photographe: Clément Costantino