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A l’occasion de la saint Patrick à Toulouse, l’équipe de Thorium Magazine s’est entretenue avec les membres du groupe The Booze : Bertrand Yates (chanteur), Laure Nuzzi (bodhrán), Eristoff (accordéon) et Kuba Lysek (guitare). Vous pouvez d’ailleurs lire notre rétrospective de cette soirée de la saint Patrick ici : The Booze @ La Dynamo (Toulouse)

 

Il y a t-il eu un réel renouveau du groupe à partir de 2008 ?

Bertrand : Oui ça a changé vachement, pas vraiment en bien ou en mal mais ça repart. On avait commencé à monter ça avec deux potes en 1998. On est resté à peu près stable juste en changeant de violoniste. En 2006 ça marchait bien et puis après ça l’a plus fait entre les différents musicos et notamment avec le pote du départ. En 2007 ça ne marchait plus vraiment donc c’était soit tout arrêter ou repartir. Et vu que je sais rien faire d’autre que de la musique…

Donc on est reparti, Laure et moi, avec une nouvelle équipe. Effectivement ça a donné un coup de boost. Mais y a eu énormément de changements c’est vrai. Ce n’est pas évident de garder les solistes vu qu’on joue un rock assez bourrin et au milieu on a des solistes qui ont l’habitude de jouer du classique ou du trad irlandais. Mais le défi c’est que le tout aille ensemble. Au bout de 15 ans on essaye sans violon. Ce soir c’est une première. Mais il y a toujours des instruments traditionnels, c’est toujours le même esprit, c’est les même morceaux. On a un nouveau membre à la guitare, et moi je lâche la gratte.

Laure : C’est pour ça finalement que les gens reviennent et reviennent encore, c’est qu’à chaque fois c’est différent.

 

Vous avez donc votre propre label, c’est vraiment un atout ?

C’est chiant, vraiment pas amusant, mais ça permet de manger, on gère nous même les spectacles. Ça permet de déclarer tout le monde. Ça permet de maitriser ce qu’on sort, on n’a pas de comptes à rendre. C’est nous qui décidons ce que l’on fait. Le désavantage c’est qu’il faut gérer une société, négocier la distribution. C’est du boulot qui n’est pas du tout musical. On ne désespère pas de trouver quelqu’un qui soit douer la dedans et qui le fasse.

 

Quelles sont les valeurs que vous défendez à travers votre musique ?

On est un peu sur tous les thèmes, en gros le système de consommation à outrance n’est pas viable, comme on a tous un crédit au cul on peut rien faire. Le pire c’est qu’il y a énormément d’artistes qui n’en parlent plus car ce n’est pas rentable et que ça va leur attirer des emmerdes. Et en plus on dirait que les gens sont blasés. De nos jours on apprend un scandale par jour, donc ça passe le lendemain et personne ne se lève plus pour rien. Ça fait 40 ans qu’on est dans une non dynamique, les gens sortent plus. Les pays émergeants ils vont devoir suivre le modèle capitaliste alors c’est toujours pareil. Les gens qui sont au pouvoir ont 70 ans et leurs idées ont 30 ans de retard, ils sont encore sur la guerre froide.

Nos valeurs sont plutôt humanistes, pendant le concert on essaye de remettre l’humain au centre des préoccupations. Toucher son voisin plutôt que d’avoir peur de lui ou d’être envieux. C’est faire ce qu’on peut à notre niveau. C’est beau quand on demande aux gens de se tenir tous la main sur un de nos morceaux, ça donne des frissons. On les voit hésiter, et puis finalement ils le font. C’est bonnard.

 

Selon vous qu’est ce qui fait l’ambiance particulière de vos concerts ?

On se fait plaisir, on ressent les gens, c’est une communication, on puise notre énergie en eux. C’est un échange. Il y a une question de charisme aussi, Bertrand c’est une bête de scène. Et ce n’est pas donné à tout le monde de savoir quoi dire au public, ni de le faire réagir.

 

Une pochette d’album qui vous aurait marquée ?

Nevermind de Nirvana, c’est une époque, un truc, ça a changé vachement, le bébé qui cours après le dollar, c’est une sacrée image !

 

Des évènements historiques qui vous inspirent ?

Les évènements on les suit toujours, on a un morceau qui s’appelle Fuck The British Army. On change régulièrement le nom de l’armée. En expliquant que toutes les armées sont pareilles. A l’époque de la guerre en Irak on chantait Fuck The US Army, il n’y a pas longtemps on chantait Fuck The Syrian Army. Et là ça dit « Yanukovych run after me and join the russian army ». Voilà donc on rigole un peu. J’avais écrit une chanson sur le gouvernement en Syrie mais ça bouge trop vite et quand tu sors la chanson t’as l’air d’un con. Pour la Syrie ils se sont embrouillés entre eux, ils n’ont pas su sortir de là-dedans et du coup la chanson six mois après elle disait le contraire de ce que je pensais. On a une chanson ce soir, qui sera sur le nouvel album, c’est La Chanson de Craonne écrit pendant la première guerre mondiale, par des mecs qui voulaient déserter, à cette époque on fusillait à tour de bras ils avaient peur que tout le monde se barre. Eux ils ont dit qu’ils ne voulaient plus y aller et les généraux ont proposés un million de francs à ceux qui dénonceraient les auteurs de cette chanson. Sans doute qu’ils étaient plusieurs à l’avoir écrite. Et le truc bien c’est que personne n’a dénoncé. C’est le texte original en français. On est dans le centenaire donc ça continue de parler aux gens, on a des grands-parents des arrières-grands parents qui l’ont vécu.

 

Qu’est-ce que vous aimeriez dire à tous ceux qui vous suivent ?

« Attention si on pile ! » rires de tous les membres.

C’est rigolo mais moi je suis très très content et en fait j’hallucine, je vois des gens au fond qui ont 45 ans en train de faire les cornes du diables, et devant des jeunes cons qui pogotent. Ça veut dire que ça continue à plaire.

 

Bertrand est ce que dans ton enfance tu as été bercé par la musique irlandaise traditionnelle ?

Pas du tout, c’est ça qui est rigolo parce que mon père il n’écoutait pas du tout ça, c’était AC/DC et surtout du rock. Quand j’étais au collège mon père a eu un disque des Pogs, il a dit « ouais c’est nul, c’est nul ». Je l’ai pris et je l’ai écouté en boucle et petit à petit j’ai apprécié. Alors mon père s’est remis à écouter de la musique irlandaise et ce soir il est là, il est en kilt.

Entrevue par : Ottavia Marangoni

Photos par : Antony Chardon