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08 Juin 2012 – Pour être honnête, je n’ai jamais été fan de Bénabar. Sans vraiment de raison particulière d’ailleurs, le nom ne m’évoquait juste rien de bien palpitant. Alors quand vendredi soir j’ai été invitée à me rendre au Métropolis pour couvrir son concert dans le cadre des Francofolies, j’étais curieuse évidemment, mais un peu grincheuse sur l’heure de passage en mode mamie de 90 ans. “22h?!! bon je reste juste une petite demi-heure, trois-quart d’heure max, pour avoir quelque chose à dire, hein, mais pas plus!”

22h arrive, et avec, les musiciens sur scène. Quelques notes aidant, ils battent des mains avec le public. C’est que le Métropolis se mettrait presque à vibrer. La salle est comble et si enthousiaste que c’en est impressionnant. Benabar arrive en courant sur scène, la foule se soulève, littéralement. Une euphorie qui, jusqu’à la toute dernière seconde du concert, ne retombera pas. Car oui, je suis restée jusqu’à la toute fin, tentant de grappiller jusqu’aux dernières miettes musicales. Les lumières étaient déjà rallumées, la salle se vidait et je ne parvenais toujours pas à trouver la présence d’esprit de suivre le flow. Hypnotisée.

22h donc. “Bien l’bonsoir messieurs dames!” lance Benabar de son chic habituel. Jeans prune, veston et veste de costume noir. C’est qu’il en impose le monsieur, et d’un seul regard, tant l’énergie qu’il dégage est contagieuse. Derrière lui, ses musiciens animent claviers, guitares, banjo, batterie et trombone, les deux jolies choristes posent leur voix. L’orchestre prend forme. Une bien belle bande de potes qui se retrouvent pour faire la fête, à laquelle toute la salle semble conviée généreusement. Regards complices, accolades, jeux de mains, éclats de rire et mimiques de clown s’échangent.

En quelques notes, on se retrouve immergé au coeur de cette fanfare joyeuse, de ce grand cirque, dont Benabar est le clown principal. Pas étonnant que ç’ait été là son premier amour. Tel un conteur des temps modernes il enchaîne les histoires, ces tranches de vie dans lesquelles on se retrouve tous immanquablement. On rit, se laisse surprendre, toucher, voire ébranler.

Benabar, ce poète chansonnier. Il enchaîne en sautillant et se démenant les titres tirés de ses différents albums, en commençant avec Quelle histoire et Infréquentable. Peu importe qu’on connaisse les paroles ou non. On se retrouve vite à boire chacune de ses paroles. Autour de moi, j’en entends murmurer les paroles, d’autres s’époumonent. Et le Métropolis devient chorale.

“Merci d’être venu. Merci beaucoup!” remercie-t-il, touché. C’est que pour un premier concert à Montréal, l’accueil est particulièrement chaleureux, triomphal même. Un public conquis, propice aux confidences. Benabar avoue donc “vous savez, je suis jaloux en amitié”, en guise d’introduction à sa prochaine chanson Où t’étais?

“Maintenant tu dois choisir, c’est moi ou c’est lui. Entre ton vrai pote ou un mec d’un soir, qui est ton meilleur ami? Je ne te suffis plus? Qu’est-ce qu’il a de plus que moi? Il est plus jeune c’est ça?!”

La salle rit, chante, danse au fil des chansons qui s’enchaînent à un rythme effrainant.

Pas de place à l’ennui, Benabar n’arrête pas un instant, s’il ne chante pas, il fait son show, à dose de bonnes blagues et d’autodérision. Petit coup plein d’humour aux Parisiens dans A la campagne.

” A la campagne, c’est la fête aux clichés (…) Quand arrive le dimanche soir. A la campagne. Pour éviter les bouchons. On va p’t-êt’ pas rentrer trop tard (…) A la campagne. J’ai envie d’être campagnard. D’avoir une grosse moustache. Et un gilet en velours (…)

Ou une boutade à nous tous, anciens ados…” La prochaine chanson parle d’une adolescente, ça me donne un coup de vieux…ça veut dire que je deviens un vieux chanteur bordel!” rit-il avant d’expliquer aux plus jeunes “qui pensent que le IPhone 1 est l’ancêtre du téléphone, le concept du téléphone à fil, vous savez celui branché dans le mur non pas pour le recharger mais pour…téléphoner”.

Blague à part, mais avec autant d’humour, Benabar dépeint la vie. On pourrait presque parler de fresque sociale, tant les scénettes du quotidien sont une mosaïque de détails, plus percutants les uns que les autres.

Benabar, ce fin observateur.

Neuvième chanson déjà, La phrase qu’on n’a pas dite, extraite de son dernier album, Les bénéfices du doute.“Une nouvelle chanson c’est émouvant, c’est comme la naissance d’un enfant. On sait pas ce qu’elle va devenir…comme un enfant on a peur qu’elle reste moche!” Ah cynisme parisien, tu m’avais manqué! Rassurons-nous, la-dite chanson n’a rien de laide, au contraire. Une réflexion aiguisée sur cette ribambelle de “j’aurais dû” qui hantent parfois nos quotidiens.

Le Métropolis semble envahi d’enfants qui, fascinés, écoutent une histoire, les yeux pétillants et le sourire en coin.

“On a tous essuyé des refus” continue-t-il avec le même humour. “Je vais parler d’un sujet douloureux et sociétal: les ruptures amoureuses. Bon ça a été difficile à écrire, car ça n’est jamais arrivé mais heureusement j’avais mes amis!” ajoute-t-il pour introduire Rateaux. Une chanson pour le moins hilarant, qui fait écho, qu’on le veuille ou non.

S’ensuivront deux titres tout aussi chargés de finesse et d’humour, dont La p’tite monnaie et la fameuse Muriel.

Puis la lumière devient bleue, les guitares sont grattées et l’un des musiciens sort une flûte à bec. Vestige de nos cours de musique de collège…“On s’est bien foutu d’votre gueule hein?!” Les premières notes de la berceuse envahissent la salle. Et la salle de reprendre les paroles. “Mais dors mais dors bordel…pourquoi tu dors pas?…si tu dors pas, j’te place!” Tentative d’hypnose de la salle. Silence. “Putain j’adore mon boulot!” s’exclame-t-il. Avant de finir la chanson en fanfare, unplugged.

Pour continuer dans l’aspect instrumental du show, les instruments sont rangés. La troupe s’agite. L’un va chercher un escabeau en métal, l’autre un seau de champagne, un paquet de céréales, un fût de bière, un ukule…“C’est la crise! On essaie de joindre les deux bouts, alors on remplace les instruments…et on fait un peu de placement de produits” explique Benabar mi-chanteur mi-clown. Il se retourne. Sur son dos, un plastron des poulets Saint-Hubert. Fou rire généralisé.

Plus qu’un simple concert, c’est à un véritable show qu’on assiste. Benabar est un phénomène, et autant vous dire que ma fatigue passagère de début a vite laissé place à une semi euphorie. Complètement embarquée par le personnage. Comme tout le Métropolis d’ailleurs. Jamais depuis que j’écume les concerts montréalais je n’avais assisté à une telle démonstration d’engouement.

À peine la dernière chanson terminée, L’effet papillon, que la salle entière vibrait, tremblait même, d’une même force et d’un même rythme. Un regard vers les balcons, et je découvre une marée de bras levés qui battent la cadence. “Une autre! Une autre!”. Toute la salle crie, tape des pieds jusqu’à essoufflement. Magique. Transcendant même.

Benabar et ses deux choristes reviennent au piano pour une reprise de Love me tender en rappel. “C’est pas de moi, c’est une reprise!” Love me tender, love me dear, tell me you are mine, I’ll be yours through all these years” de son accent frenchy accentué…“through ! Vous savez dire through, vous?…c’est bien ce que je pensais! Pour certains, c’est pire que ce que j’pensais!”…le pitre ne s’arrête plus.

Retour au sérieux pour un passage en revue de chacun des membres de la troupe, de la production et des toutes les fourmis qui travaillent à la réalisation des Francos.

La musique reprend, apportant avec Les Epices du souk du Caire l’ultime touche au tableau…un trait de nostalgie qui prend jusqu’aux tripes. La salle n’est que silence, danse et musique. Révérence de la troupe. Le temps de reprendre ses esprits. Bénabar. Métropolis. Montréal. Ah oui. Avancer un sourire collé aux lèvres.

Qui a dit que la chanson française n’avait pas d’avenir?

Auteur : Sarah Meublat

Crédit photo : Francofolies de Montréal (Victor Diaz Lamich)

Pour en savoir plus : Bénabar